Glissement – Exposition Centre culturel Henri Desbals – Toulouse

Symbole de la passion, de l’énergie et du vivant, le rouge scande l’oeuvre de Karine Veyres. Qu’il soit utilisé dans des compositions monochromes, ou complété par le noir pour le révéler ou dialoguer avec lui, il confère à la précision froide du graphisme une séduction qui ne cesse d’ouvrir les espaces d’un imaginaire éminemment organique et féminin. Le dessin comme excrétion, excoriation, excroissance, où la matrice féminine s’insinue dans des réminiscences formelles : grottes, espaces confinés, abris fortifiés, sang, et autres organes en développement.
Un imaginaire emprunt de considérations toutefois bien réelles qui interrogent le devenir de la civilisation actuelle : les effets délétères des activités humaines sur l’environnement et le possible effondrement de la société par les mutations génétiques, géographiques, économiques et climatiques qui en découlent. Ainsi, peau et pierre s’opposent, élaboration et errance dialoguent, paysage travaillé et brut se répondent dans des visions étranges et inquiétantes.

Un autre élément central civilisationnel, l’écriture, est aussi interrogé. La difficile survie du geste manuscrit progressivement supplanté par le support dématérialisé résonne avec cette manière particulière qu’a l’artiste de créer une matière graphique presque rhizomatique, à la lisière de la nuée. Ainsi en est-il par l’abondance des traits, des biffures scarifiant le format ou des architectures et corps se dématérialisant dans l’espace par la discontinuité des lignes et leur fuite en ratures, taches, particules ou vecteurs incertains.
Le travail de Karine Veyres est ce par quoi passe une démultiplication du tangible : le dessin comme une réalité augmentée, à la recherche d’une contemplation désenchantée de notre entropie contemporaine.

Caroline Lafond

 

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